Des nouvelles de demain

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On his special day, A. goes back in time to recall memory fragments of his emotional life.

C’est un jour spécial. Il n’arrive qu’une fois dans une vie. Comme chaque jour finalement. On peut aussi dire qu’il se répète chaque année, jamais à l’identique, mais toujours avec la même portée symbolique.

Aujourd’hui j’ai 16 ans. Et j’ai vu au moins deux fois plus de choses que la moyenne des gens de mon âge.

 

J’ai voyagé dans près de 50 pays, parfois simultanément. J’ai fait mon apparition dans plus d’une dizaine de métiers, en pointillés, sans vraiment m’y retrouver pleinement. Je me suis dévoilé au grand jour à des centaines de personnes. Au début hésitant, puis assumé, et finalement avec fierté. Il y eut même un grand rassemblement pour me célébrer.

 

J’ai vécu des aventures à m’en faire battre le cœur, à ressentir chaque parcelle de mon corps, à en perdre le nord. J’ai pris des décisions parfois difficiles, toutes devenues évidentes avec le recul du temps. J’ai connu l’extase et la détresse, l’émerveillement au cœur et la peur au ventre.
Je me suis laissé guidé de découvertes en expériences, apprenant enfin à vivre ce monde exaltant, riant aux éclats des verres que je brisais, nageant à contre-courant de ce que les autres pensaient. J’ai contourné des impasses, sauté des obstacles ; il m’est arrivé de tomber. Je me suis toujours relevé pour me réinventer ; plus fort plus grand, plus vivant.

 

Ma première forme n’était qu’attraction. J’ai fait mes débuts dans la neige, avançant à tâtons, soumis aux vents de l’hésitation. J’étais flou et mal dessiné. Je clignotais souvent d’incertitude. Etais-je vraiment là ? Je ne savais plus. J’étais un peu vide. Je ne me connaissais pas. Je n’étais qu’une belle une enveloppe qu’il restait à remplir.

Qui aurait parié alors que je survivrais ? J’ai fièrement passé le cap des 6 mois et, à l’été, je me suis renouvelé. J’ai commencé à prendre de l’assurance et des couleurs. Du poids et de la valeur.

 

J’ai grandi dans des chambres parfois trop petites pour me contenir tout entier. Je débordais d’énergies indomptées et de promesses passionnées. Je me suis matérialisé dans une intimité opaque entre des murs fermés, puis avec audace dans des lieux publiques supposés désertés. J’ai exulté face à la mer et aux éléments. Libre et fier aux quatre vents.

J’ai cru disparaître parfois ; je me suis cru tout puissant souvent. Rien ne pouvait égaler ma force, mon intensité, ma plénitude. Je n’étais alors qu’une autre forme d’absolu.

J’ai cherché l’opposition et la communion dans des discussions passionnées, devenant un compagnon complice d’abstraction. Je me suis forgée des opinions fortes sur le monde et les hommes, choisissant mes fréquentations et précisant mes aspirations. J’ai semé les graines d’une philosophie de vie qui influenceraient les années à venir. Me découvrant sous une nouvelle forme : l’admiration.

J’ai commencé à faire de mes rêves des projets, offrant des mots et des images à mes visions. Donnant vie à l’avenir. Je n’étais plus qu’adoration.

J’ai changé mille fois de contours et de taille, prenant des formes rondes ou anguleuses selon les saisons, empruntant des tons froids et des tons chauds, m’essayant à l’indifférence avant de retrouver la passion. Je me suis cherché quelques temps, fluctuant au gré d’émotions changeantes, de concessions en surprises ; mais toujours à coup d’oscillations de plus en petites autour de l’équilibre désiré. Puis je me suis stabilisé. Je suis devenu attachement.

 

J’ai fini par imposer mon existence comme une évidence. Une évidence évolutive, qui s’adapte insidueusement aux besoins changeants sculptés par le temps, et parfois même les anticipe.
16 ans d’existence tissée entre deux corps pensants.
Deux corps pensants, devenus indissociables, fusionnés par le temps.
Indissociables par moi et en moi, emportés dans ma danse.
Je me suis fait harmonie.

 

Je les enveloppe chaque nuit d’une bulle de rêverie. Je les relie chaque jour d’un fil élastique que j’ai rendu à toute épreuve. Je deviens abondance

Il semble que rien ne peut arrêter ma croissance. Je m’épanouis un peu plus tous les jours, me nourrissant des événements aléatoirement semés dans leur vie. Tout est prétexte pour mieux les unir et me voir grandir. Intellectuellement, physiquement, spirituellement. Si je n’ai de corps visible, j’ai aujourd’hui une pleine conscience. Et une âme, sereine et confiante.

 

J’ai trouvé ma plus belle forme. Un soupçon d’insécurité dans la sérénité. Une reconnaissance quotidienne entretenue par l’incertitude du futur. L’affection infinie.

16 ans qu’ils m’ont donnés la vie. Et me voilà chaque jour amour.
Avoué, grandi, cultivé, épanoui, pleinement réalisé, jamais assouvi.
Prêt à leur donner à mon tour mon plus beau fruit.
Le fruit de l’Amour, une nouvelle vie.

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