Des nouvelles de demain

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After Le présent envolé, this short story takes us back to the essence of the instant. What would our real time thoughts look like if we were prisonnier of the present moment?

L’air est frais, il fait encore sombre. Loïs arrive au centre d’approvisionnement le plus proche. Il y a peu de choix, et beaucoup de monde. Il se fraye un chemin parmi la foule. Les plus corpulents lui coupent la priorité d’un regard menaçant, le défiant de se mesurer à eux. Il fait profil bas. Observe. Tout grouille autour de lui. Il s’éloigne pour se tenir à l’écart. Il attend tranquillement son heure. Elle viendra. Loïs ignore le doute. Il s’en est débarrassé autrefois. Il repère un poisson de taille raisonnable et se précipite dessus. Il le saisit fermement, de peur qu’il ne lui échappe, puis s’éloigne de la masse.

 

Sur le chemin du retour, un vent violent le ralentit et le décoiffe. Il redouble d’effort pour continuer d’avancer. Son cœur s’accélère. Il ressent une douleur dans la poitrine. Des gouttes de pluies lui brouillent la vue. Il progresse, ignorant la douleur, ignorant la pluie, comme si rien ne pouvait l’atteindre. Seuls comptent les mouvements de son corps pour avancer. Déployer un muscle, en rétracter un autre. Recommencer. Alterner côté gauche, côté droit, inlassablement. C’est ainsi qu’il progresse vers sa destination. Sans y penser vraiment. Un battement de cœur après l’autre. Concentré sur chaque effort que son corps fournit instinctivement pour le rapprocher de son but.

 

Soho et Melis l’attendent avec impatience. Ils l’accueillent dans de grandes démonstrations d’affection. Le contact du petit corps de Melis contre le sien le réchauffe. Ils partagent leur déjeuner, affamés. Ils n’avaient rien avalé depuis plusieurs jours. Mais le temps pour eux ne comptait plus. Ils en avaient perdu toute notion depuis bien longtemps.

 

Loïs frictionne le crâne de Melis avec tendresse. Il se sent à l’abri, mais reste aux aguets. Un bruit suspect attire son attention. Un froissement de feuille étrangement familier, mais qu’il ne reconnaît pas. Il se précipite sur le seuil, et se fige. Il regarde attentivement à gauche, puis à droite, bougeant à peine la tête. Il n’entend plus rien. Sa poitrine bat au rythme de se son cœur. Et lui fait mal. Il cligne lentement des yeux. Penche la tête. Se gratte le cou. Regarde vers le ciel. Continue d’attendre, à l’affut du moindre changement dans l’atmosphère. Puis retourne près de Soho et Mélis.         

 

Il la regarde. L’envie est instantanée. Il y répond. Loïs entraîne Soho dans son jeu. Elle feint un désintérêt, résiste. Il défile devant elle, fier, animal. Enfin elle le regarde, d’un air peut être amusé. Il se rapproche, l’entraîne dans sa danse. Elle finit par succomber à ses mouvements déhanchés maladroits. Il la surmonte sauvagement, et plus rien ne compte que les sensations de leurs deux corps mélangés. Il sent le désir monter rapidement. Il accélère ses mouvements jusqu’à perdre contrôle.

 

Loïs se dégage de leur étreinte puis s’éloigne vers sa solitude. Il se laisse aller à un demi sommeil. Il sait ne dormir que d’un œil pour garder ses sens en alerte. Ses doigts sont contractés. Il se laisse rarement aller à un sommeil profond. Son environnement est bien trop incertain. Il craint les autres. Sa méfiance naturelle lui interdit tout repos. La nuit tombe. Il reste dans cet état de sommeil conscient jusqu’au matin.

 

Le jour se lève, Loïs cligne lentement des yeux, s’étire, observe. Mélis le regarde d’un air inquisiteur. Il est prêt. Soho le lui confirme d’un regard. Tous les trois, ils s’avancent vers la falaise à petit pas. Comme une évidence. Loïs se redresse, bombe le torse, prend de l’élan, brasse l’air. Et se lance du haut des rochers. Melis l’imite. Déploie ses toutes petites ailes. Et s’envole. Pleinement présent en chaque instant.

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