Des nouvelles de demain

Le poison suivit le courant. Il descendit le long de la gorge. Atteignit deux coudes simultanément. Continua sa course le long des bras. Des bras de mère. Pétrifiant tout sur son passage. Emporté par la circulation du sang. Affluent de la bouche jusqu’au cœur. Le cerveau n’eut pas le temps de comprendre.

De la bouche jusqu’au cœur, le poison ne fit qu’un tour. Il aurait aimé être moins puissant. Pour prendre plus le temps. Œuvrer lentement. Visiter tous les méandres de tes veines. Se perdre dans tes voies sans issues. Refaire ton monde avec des poissons d’argent. Mais tu l’avais choisi pour sa rapidité. Tu espérais, je crois, ne pas souffrir.

Tu aurais pourtant dû comprendre que c’était impossible. En espérant mettre fin à tes souffrances, tu allais éveiller les miennes. Et nous sommes indissociables. Tu le savais sans le savoir. Je suis ton sang. Et quand je souffre, tu souffres aussi. Au-delà de ce corps qui n’existe plus. La souffrance n’a pas besoin de véhicule. Elle prend corps dans les cœurs qui demeurent.

A présent, nous voici deux âmes en souffrance. Et si j’arrêtais de souffrir ? Tu arrêterais aussi. Devrais-donc, à mon tour, abréger mes souffrances pour mettre fin aux tiennes ? Achever la quête que tu pensais atteindre par toi-même ?

C’est ainsi que je rencontrai Désirée. Un flacon de joie pétillante, oubliée dans un bar à bières. Elle était accoudée au comptoir, attendant un rendez-vous qui ne viendrait jamais. Je m’étais assis à sa droite sans la voir. J’avais commandé un poison lent, qui abrègerait peut-être tes souffrances et les miennes. Tu vois, nos styles ont toujours été différents. Mais pas celui de Désirée et le mien. Elle était blonde, comme ma commande. Cela la fit sourire.

Le courant passa entre nous. Des poissons d’argent le suivirent de sa bouche jusqu’à mon cœur. Par tous les tours et les détours. Remontant le courant de mes sens, à contre courant de mon sang. Puis de haut en bas et de bas en haut, partout et en tous sens, pour me faire perdre pieds, ou peut-être la tête. Me remplissant lentement d’une substance épaisse, d’une composition trop complexe pour en comprendre la recette. Un mélange d’espoir, d’euphorie, d’envies et de confiance sereine.

Apaisant mes souffrances. Et les tiennes. Nos sangs réconciliés et purifiés. Nous ne formons aujourd’hui plus qu’un. Un être à trois âmes fusionnées.