Des nouvelles de demain

Bus stop kobe2.png

As I was walking in the streets of Kobe in Japan, a peculiar interaction with a stranger inspired me some irrational thoughts.

Je me hasardai dans les rues de Kobe, la tête en l’air, sans trop savoir où j’allais. Mes cheveux blonds et mes yeux bleus dénotaient. Autour de moi, quelques japonais peu pressés.

 

Un inconnu me demanda son chemin en anglais. Il cherchait, je crois, un arrêt de bus. Je laissai ma mémoire passer en revue le peu de souvenirs imprimés en ces lieux.

J’étais arrivée la veille. J’avais pris un bus dans le coin, je pouvais situer un arrêt. Un bus un peu particulier, qui faisait le tour de ville. Un bus à touristes. Deux jeune filles japonaises en assuraient l’animation, présentant probablement les lieux traversés en japonais. Je me souviens de mon excitation quand ce bus s’était arrêté devant moi, au moment où je me résignais à une longue marche jusqu’au métro sous un soleil de plomb. Il allait dans la bonne direction. J’étais montée à bord, tout me souriait. Puis mon excitation avait cédé à la fatigue, et à l’impatience. L’une des japonaise parlait si fort. Sans discontinuer. Je ne comprenais pas un mot de ce qu’elle racontait.

 

Pourquoi cet inconnu s’adressait-il à moi pour trouver son chemin ? Je n’étais évidemment pas du coin. Je me fondais on ne peut plus mal dans la masse. Il était peu probable que je puisse l’aider. Autour de nous, des dizaines de japonais bien plus serviables se seraient fait un devoir de l’accompagner jusqu’à son arrêt de bus ; d’attendre avec lui que le bus arrive ; et de veiller à ce qu’il monte à l’intérieur. Ils étaient ainsi, les japonais. Jusqu’au-boutistes dans leur dévouement.

 

J’en avais fait l’expérience quelques heures plus tôt. Dans l’ascenseur du centre commercial. Je cherchais le jardin aux herbes. J’avais une vague idée de la direction mais je ne savais comment trouver la sortie. Une femme qui comprenait un peu l’anglais proposa de m’aider. Elle laissa passer son étage pour trouver le mien. M’accompagna sur plusieurs centaines de mètres à la sortie du building. M’indiqua la direction. Je la remerciai chaleureusement, impatiente de reprendre le cours de mes pensées sans dépendre de ce guide fortuit. Mais on ne se débarrasse pas ainsi d’une japonaise qu’on a sollicitée. Elle me conseilla de faire attention en tant que femme, seule dans les rues de la ville. Elle attendit avec moi que le feu tricolore devienne vert. Traversa deux passages pour piétons. Et m’accompagna jusqu’à un simple carré de végétation dont l’entrée ressemblait à celle d’un temple, encadrée par une arche dorée aux ornements sophistiquées. Elle me laissa là, sa mission à priori accomplie. Je dus faire demi-tour et partir dans l’autre sens pour trouver le panneau qui indiquait la direction du jardin aux herbes que je cherchais.

 

Ainsi allaient mes réflexions alors que l’inconnu attendaient que je prenne la parole qu’il m’avait tendue. Pourquoi moi ? Ne trouvant pas de réponse évidente, je devins méfiante. Cherchait-il à détourner mon attention pour me dérober je ne sais quoi ? Ma main se resserra sur mon téléphone, l’unique objet de valeur que j’avais avec moi. Pas de sac, pas de portefeuille, pas de bijoux. Je ne craignais pas grand-chose.

 

Alors je lui répondis. Il y avait bien le bus à touriste, dont l’arrêt n’était pas loin. Je ne savais pas trop. La conversation fut courte, bien que plus longue que ce que l’on imaginerait dans un tel contexte. Il semblait attendre ; peut-être une réponse plus utile ? Il resta posté devant moi en silence, quelques secondes qui me semblèrent deux éternités. Une éternité d’attente - avait-il une autre question ? - et une éternité d’interrogation - mais que faisait-t-il ? Enfin, il s’éloigna.

 

Je continuai mon chemin, sans avoir finalement résolu ce mystère : pourquoi avait-il cru que je pourrais l’aider ? Qu’avait-il gagné de notre interaction ? Je fus presque soulagée de constater que j’avais toujours mon téléphone.

Il ne me manquait rien. A priori.

 

Je m’arrêtai devant la vitrine d’une échoppe fermée, à l’intérieur sombre et austère. Elle reflétait un arbre en fleurs. Je ne vis plus que lui. Un grand cerisier aux délicats boutons blancs et roses. Il prenait toute la place. Je me retournai pour l’admirer pleinement, de face. Il était juste derrière moi. Rien de tel qu’un regard direct et franc pour saisir la beauté que le hasard met parfois sur notre chemin.

Je pivotai à nouveau vers la vitrine. L’arbre m’apparut un peu flou. Mais il y avait autre chose. Ou plutôt, il manquait quelque chose. Une vague d’angoisse autour de moi dessinait une légère nuée autour du cerisier. L’arbre se reflétait toujours dans la vitrine, quoique presque effacé.

Mais il manquait mon reflet.

Kobe_fin6.jpg
Kobe_fin5.jpg