Des nouvelles de demain

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Life seems having a good time at sowing on our path opportunities we ignore. Over and over. Until we finally make sense of them.

Gaston avait rencontré Blanche dans la rue. Elle lui était tombée dessus, comme un cheveu dans une soupe, un sandwich à la main.

 

C’était un matin de Juin. Il avait été figé sur place par une silhouette gracieuse et fugitive. Il avait fixé son regard sur elle, de peur qu’elle ne s’efface. Cela lui été déjà arrivé plusieurs fois. Il clignait des yeux, et le monde devant lui se transformait, le temps d’un battement de cils. Il avait regardé cette forme élancée si intensément qu’il l’avait attirée à lui comme un aimant. Alors qu’elle se rapprochait de lui de plus en plus vite, il n’avait pu détourner son regard d’elle, si bien qu’elle lui était tombée dessus. Il n’avait pas fait un geste pour la retenir. Elle s’était rattrapée à son imperméable flottant, et son sandwich avait fini sa course sur son pull en laine.

 

Il l’avait trouvée maladroite dans sa beauté, plus que belle dans sa maladresse. Ce sandwich mayonnaise, suspendu à la main d’une si jolie femme, en milieu de matinée, était de si mauvais goût. C’était un homme de principes, et il n’aimait pas qu’on altère ses clichés. Déçu par ce détail, Gaston avait retrouvé pieds dans sa réalité. Il avait progressivement repris forme et mouvements.

 

Elle l’avait trouvé mal habillé, et cela lui avait plu. Elle ne comprenait pas pourquoi il portait un pull et un manteau en plein mois de Juin. Certes il ne faisait pas chaud, mais ce n’était pas en encourageant le froid qu’on attirait le beau temps. Blanche s’était excusée.

 

-          Pardonnez-moi, je ne vous avais pas vu. C’est étrange, je marchais dans cette direction sans obstacles. La voie était libre. Et brusquement je suis tombée sur vous.
-          Vous êtes blanche. Est-ce que vous allez bien ?
-          Comment le savez-vous ? Vous me suiviez ?
-          Je ne sais rien de vous. Je vous regardais simplement passer.
-          Comment connaissez-vous mon nom ? Cela vous prend-il souvent de regarde ainsi passer les gens, comme des vaches regardent passer les trains ? 

Ils s’étaient éloignés l’un de l’autre, pressés d’en finir avec cette rencontre infortune.

Blanche s’était sentie menacée. Il en savait trop sur elle.

Gaston l’avait crue dérangée. C’était ce qu’il avait trouvé de plus simple pour justifier sa beauté. Tout pour lui n’était qu’équilibre. Un même être ne pouvait concentrer tant d’atours sans dissimuler quelques disgrâces.

Lui-même ne se trouvait pas déplaisant et se savait relativement intelligent. De peur que la nature ne le rattrape et décide de le rendre infirme ou désagréable, il avait pris les devants, optant pour une démarche et une apparence négligées. Pour conserver un équilibre en toute chose.

 

Blanche et Gaston avaient repris leurs chemins de traverse, et laissé passer le train des opportunités sans observateurs, et les vaches désœuvrées.

 

Mais la vie voulut les réunir. Elle laissa oeuvrer temps avant de leur donner une seconde chance.

C’était un matin de décembre. Le vent refroidissait l’air que le soleil essayait de réchauffer. Ce combat entre les éléments rendait les ressentis instables et fatiguait les passants : ils renonçaient alors à leur statut, et se précipitaient aux tables des cafés pour devenir des restants.

 

Gaston était assis en terrasse de la vache bleue. Il finissait une soupe de potimarrons qui voulait refroidir. Blanche quittait le restaurant. Ses longs cheveux cachaient son visage, pudeur du vent. Elle reconnut l’imperméable flottant qu’elle associa à un mauvais souvenir. Elle se laissa tomber sur une chaise à la table voisine, pour ne pas tomber sur lui, et se réfugia derrière le premier livre qu’elle trouva dans son sac. Le monde de Sophie.

 

Le regard de Gaston fut attiré par ses mouvements précipités. Il reconnut cette maladresse. Le contraste avec sa beauté raviva son souvenir. Mais il fut surpris de lui voir lire une œuvre philosophique. Elle n’était peut-être pas si superficielle qu’elle lui était apparue la première fois. Echapperait-elle aux lois de l’équilibre en toutes choses ? Ou cachait-elle d’autres vices à découvrir ? Il était intrigué.

 

-          J’ignore votre nom. Je m’appelle Gaston.
-          Vous m’aviez pourtant appelée Blanche.
-          Je vous avais trouvé pâle.
-          Et maintenant ?
-          Je vous retrouve.
-          Il y a un cheveu dans votre soupe.
-          C’est pour cela que je ne la mange pas. Je ne voudrais pas l’avoir sur la langue.

 

Gaston et Blanche échangèrent tant bien que mal des mots puis des phrases, et enfin, plus généreusement, une conversation. Le temps passa et ils échangèrent leur numéro, puis leurs habitudes, et leurs sentiments. Ils marièrent leur vie, comme la vie l’avait voulu.

Ils vécurent heureux, puis eurent quelques d’enfants. Ils vieillirent sereins, en regardant passer les trains.

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